Populaire
2012 – Belgique / France
Fiche technique
Réalisé par Régis Roinsard
Scénario de Daniel Presley, Régis Roinsard et Romain Compingt
Musique de Rob et Emmanuel D’Orlando
Avec Romain Duris, Déborah François, Bérénice Béjo, Eddy Mitchell
Durée : 1h56
Synospis :
Basse-Normandie, 1959. Rose Pamphyle, jeune fille issue d’un milieu populaire et promise à un mariage de raison avec un garagiste, décide de s’enfuir afin de devenir secrétaire et d’envisager une vie plus moderne en ville. Elle débarque à Lisieux et parvient à se faire embaucher chez Louis Échard, un assureur bourgeois et taciturne au départ dubitatif sur ses aptitudes de travail. Peu à peu, malgré les maladresses professionnelles et comportementales de Rose, Échard découvre chez elle un talent rare et impressionnant : une capacité incroyable à taper rapidement sur une machine à écrire. Comprenant le potentiel qu’il pourrait tirer de sa jeune secrétaire, il décide de l’entraîner à un rendement encore plus élevé dans le but de l’inscrire à un “Concours régional de vitesse dactylographique”. L’expérience se solde par un échec, mais le jeune homme, tombé amoureux, ne renonce pas et les victoires accumulées dans les concours locaux puis nationaux propulsent Rose et Louis à New York, au cœur de la grande compétition internationale de vitesse dactylographique. C’est alors le temps de la consécration.
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Contexte historique
Certains métiers incarnent plus que d’autres les évolutions sociologiques d’une époque. On pense aux mousquetaires sous Louis XIII et Louis XIV, aux cow-boys à l’époque de la Conquête de l’Ouest ou aux peintres de Belle Époque. La sténodactylographe est, à elle seule, l’un des symboles les plus représentatifs des Trente glorieuses, cette période allant de la reconstruction de l’Europe dans les années 50 jusqu’à la crise pétrolière des années 70. Dans l’Europe d’après-guerre, cette “secrétaire” spécialisée dans la rédaction de courriers et de rapports sur des machines à écrire de plus en plus performantes, est devenue l’horizon professionnel de toute une génération de jeunes filles intégrant le monde d’une industrie en plein essor et constituant progressivement ce qui était amené à devenir les “classes moyennes”. Au-delà de la nature comique et romantique de l’intrigue, Populaire explore le monde si proche et pourtant si lointain de cette “culture” des années 60 dans laquelle l’évolution technologique, les conditionnements médiatiques et les arrière-pensées politiques s’entremêlent pour donner naissance à une figure moderne et féminine du travailleur modèle, zélé et cheville ouvrière d’un monde capitaliste enthousiaste, porté par la croissance et qui qui va de l’avant. Régis Roinsard décrit admirablement les mécanismes en vigueur pour toute une génération : le regard paternaliste et sexualisé d’un patron envers une jeune fille sur qui il décide de miser (dans tous les sens du terme, d’ailleurs), la possibilité d’évolution sociale d’une jeune fille de milieu modeste et rural rêvant de monter sur Paris, les connivences entre les fabricants de machines à écrire et la Presse, la célébrité comme moteur et enjeu d’ascension sociale. L’intelligence du réalisateur consiste également à replacer ce phénomène dans son contexte international, le concours de la Meilleure sténodactylo à New York permettant de comprendre l’ampleur de ce fait de société à l’échelle du monde occidental dans son ensemble.
Contexte de production
Si les années 2000 avaient témoigné d’une certaine nostalgie de la France profonde des années 50 et de ses valeurs morales et terriennes avec des films comme Les choristes de Christophe Barratier (2004), Le temps des porte-plumes de Daniel Duval (2005), Le passager de l’Eté de Florence Moncorgé-Gabin (2005) ou Le deuxième souffle d’Alain Corneau (2007), les années 2010, elles, démontrent un engouement indéniable pour les années 60. Biographies de personnages célèbres comme Cloclo de Florent Emilio-Siri (2012), immigration européenne avec Les femmes du 6ème étage de Philippe Le Guay (2011) ou les affres de la Guerre d’Algérie dans Hors-la-loi de Rachid Bouchareb (2010), la nature transitionnelle de cette décennie à la fois passionnante par sa complexité et fascinante par son impertinent optimisme semble interpeller les réalisateurs autant que le public et interroger notre société contemporaine qui est son héritière directe. L’hommage de Régis Roinsard à cet aspect méconnu de la “civilisation des 60’s”, dont le titre vient du nom de la machine à écrire “La Populaire” de la marque Japy utilisée dans le film, apporte un éclairage particulièrement original sur cette période finalement pas si lointaine.