Kingdom of Heaven
2005 – Allemagne/États-Unis/
Royaume-Uni
Fiche technique
Réalisé par Ridley Scott
Scénario de William Monahan
Musique de Harry Gregson-Williams
Avec Orlando Bloom, Jeremy Irons, Eva Green, Liam Neeson
Durée : 2h25
Synospis :
Royaume de France, fin du XIIème siècle. Pour se repentir de ses péchés, Bailan le forgeron décide de suivre les hommes du baron Godefroy d’Ibelin en départ pour la croisade. En chemin, la troupe se fait attaquer et, avant de mourir, Godefroy révèle à Balian qu’il est son père et le fait chevalier. Parvenu à la cour du roi lépreux Beaudoin IV, le jeune homme se trouve pris dans les jeux d’alliances et les complots politiques opposant Renaud de Châtillon et Guy de Lusignan à la tête de l’Ordre des Templiers, partisans de la guerre à outrance contre les “infidèles”, au comte de Tripoli qui souhaite défendre la trêve fragile conclue avec Saladin. Alors qu’il prend possession de son domaine et entretient une liaison amoureuse avec Sibylle, sœur du roi et épouse de Lusignan, les Templiers provoquent la reprise des hostilités. Mais la guerre tourne à la défaveur de Lusignan devenu entre-temps le nouveau roi de Jérusalem. Balian est nommé défenseur de Jérusalem et doit résister aux assauts des troupes de Saladin. Il réussit à négocier avec le calife connu pour sa sagesse la survie des habitants contre la réédition de la Ville sainte.
© Scott Free Productions/20th Century Fox – Tous droits réservés
Contexte historique
Kingdom of Heaven est sans doute à ce jour l’un des films les plus intéressants jamais réalisés sur les Croisades. Au-delà du destin un peu romancé de Balian d’Ibelin, jeune forgeron bâtard devenu chevalier puis défenseur de Jérusalem, c’est toute la complexité de ce moment d’échanges et de conflits religieux, culturels et militaires entre l’Occident chrétien et l’Orient musulman que dépeint le réalisateur de Gladiator et de Robin des bois. Alors que la plupart des superproductions chevaleresques sur cette période se concentrent sur la troisième croisade, celle qui se déroula de 1189 à 1192 et vit les exploits de Richard Cœur de Lion et de Saint Louis, Ridley Scott préfère s’intéresser à la période précédente, celle qui connut le règne de Baudouin IV, le “roi lépreux” (incarné sous son masque d’argent par Edward Norton) et la prise de la ville sainte par Saladin. A travers le périple physique et spirituel des personnages, le réalisateur anglais décrit avec intelligence une véritable industrie de la Croisade, depuis les routes européennes encombrées de pèlerins fanatisés à qui des prêtres et des moines prônent l’impunité en cas de meurtres d’infidèles aux commerçants spécialisés dans l’acheminement des croisés en Terre sainte dans des flottes entières de navires. C’est toute une société européenne qui, du plus humble des pénitents aux aristocrates les plus ambitieux prennent la direction du Proche-Orient et composent le modèle colonial qui fait le socle des États latins, reproduisant en Palestine les dissensions politiques et sociales des monarchies occidentales. A cet égard, le film nous rappelle que l’émigration en Terre sainte d’une partie de la jeunesse d’Europe fut motivée autant par des motifs économiques et sociaux que pour des raisons théologiques. Pour les cadets de famille comme Balian et les chevaliers attirés par la gloire, porter la croix était d’abord un moyen de se faire un nom, d’engranger des richesses et d’obtenir un fief auquel il n’aurait pu escompter en restant dans leur pays d’origine.
Contexte de production
Sorti en 2005, ce grand livre d’images aux influences esthétiques héritées de la Peinture orientaliste et des miniatures de Gustave Doré est également un témoignage de son époque et des bouleversements géopolitiques du XXIème siècle naissant. Concrétisant son rêve de réaliser un film sur les Croisades, Ridley Scott en profite pour dénoncer la politique américaine au Moyen Orient, en particulier l’engagement des États-Unis en Irak, en opérant un parallèle à peine voilé entre les visées expansionnistes et coloniales menées par les Croisés au nom de Dieu et les velléités bellicistes et impérialistes des “faucons” de l’administration Bush qui sont comparés aux Templiers prêts à tout pour provoquer une guerre et asservir pour leur propre intérêt les potentats locaux. Il renvoie dos à dos les fanatiques de la Croix et du Croissant s’affrontant futilement pour un même dieu en insistant sur les funestes conséquences sur les victimes civiles. Dans le chaos des conflits religieux, nourris par les ambitions et les intégrismes, Balian et Saladin, cette figure légendaire d’un Islam tolérant et miséricordieux, s’avèrent les seuls tenants d’une coexistence pacifique et raisonnée, garants d’une Paix possible et souhaitable. Cette relation “éclairée” dans un monde de ténèbres doit pour Scott servir de phare historique et d’exemple à suivre pour sortir des engrenages meurtriers qui ensanglantent cette région si troublée.