A l’affiche
Le 18 septembre 2024
Ni chaînes ni maîtres
France
Réalisé par Simon Moutaïrou
Avec Ibrahima Mbaye Tchie, Camille Cottin, Anna Thiandoum, Benoît Magimel
Durée : 1h38
© StudioCanal – Tous droits réservés
Si le Cinéma américain a investi le champ de la Mémoire de l’Esclavage depuis plusieurs décennies avec des films comme Amistad de Steven Spielberg (1997), Django unchained de Quentin Tarantino (2012), 12 years a slave de Steve McQueen (2013) ou Birth of a nation de Nate Parker (2016), la France semble avoir plus de mal à affronter cet épisode traumatique de son roman national. Méconnaissance, indifférence ou mauvaise conscience, les producteurs hexagonaux sont frileux à reveiller les démons de l’Histoire et peinent à mettre en chantier des films ambitieux et destinés à sensibiliser le grand public sur le sujet. On peut citer l’experimental Passage du milieu de Guy Deslauriers (1999), évocation brutale et réaliste du quotidien dans les cales des navires négriers des déportations transatlantiques ou encore Case départ de Thomas Ngijol, Fabrice Éboué et Lionel Steketee (2011), comédie grinçante destinée à souligner l’horreur de l’Esclavage par le décalage d’un humour volontairement anachronique. Outre ces quelques exemples, force est de constater que la thématique a jusque-là été plutôt cantonnée au monde de la commémoration télévisuelle avec des séries comme Tropiques amers de Jean-Claude Barny (2007) ou l’excellent docu-fiction Bois d’ébène de Moussa Toure (2016). En ce sens, la sortie en salle de Ni chaînes, ni maîtres marque une étape importante dans la représentation du Commerce triangulaire sur les écrans français. Réification de l’être humain, tortures physiques et psychologiques, acculturation forcée civile et religieuse, le film décortique de manière frontale le système esclavagiste en le remplaçant dans le contexte de l’administration coloniale sous le règne de Louis XV. Si l’intrigue du film penche parfois vers une forme de survivalisme cinématographique, le réalisateur d’origine franco-béninoise teinte son récit de spiritualité, explorant le métissage de croyances mêlant racines africaines et mysticisme catholique. En se concentrant sur l’exemplaire destin des « Marrons », ces révoltés échappés de leurs fers pour conquérir leur liberté dans les forêts les plus reculées de l’île Maurice, Simon Moutaïrou rend surtout hommage à l’une des composantes essentielles de l’identité créole.