La zone d’intérêt

Evoluant en parallèle de l’historiographie de la Shoah, le regard des cinéastes sur l’extermination des Juifs d’Europe durant la Seconde guerre mondiale a singulièrement été renouvelé depuis les années 2000.  Rôle des Sonderkommandos dans Le fils de Saül de László Nemes (2015), exploitation intellectuelle des déportés dans Les leçons persanes de Vadim Perelman (2019) ou encore combats de boxe organisés au sein des camps dans The champion : le combat de la Liberté de Maciej Barczewski (2020), le 7ème Art explore les zones méconnus du système concentrationnaire au coeur de la Solution finale. S’inspirant du roman homonyme de Martin Amis et bénéficiant du concours documentaire du Musée d’état d’Auschwitz-Birkenau, le réalisateur britannique filme de manière glaciale l’existence anodine des bourreaux pour mieux souligner l’horreur de leurs actes. Ce quotidien des personnels militaires, administratifs ou médicaux affectés à la gestion des camps sous le IIIème Reich a déjà été évoqué dans des films antérieurs comme La Mort est mon métier de Theodor Kotulla (1977), adaptation du roman de Robert Merle sur la vie de Rudolf Höss ou encore La liste de Schindler de Steven Spielberg (1994). Avec La zone d’intérêt (terme issu de la bureaucratie allemande décrivant le périmètre de 40 km² autour des camps), Jonathan Glazer décide de placer ce quotidien sous l’angle de la « banalité du Mal » décrite par la philosophe Hannah Arendt, comme une manière d’en souligner la tragique permanence.