La reine
Elizabeth II
en films
Le 8 septembre 2022 s’éteignait dans son palais de Balmoral la reine Elizabeth II à l’issue de l’un des règnes les plus longs et prestigieux de l’Histoire du Royaume-Uni et du Commonwealth. Icône de la monarchie britannique mais également de la Pop Culture du XXeme siècle, la fille de George VI a fini par incarner l’héritage et l’esprit de la Grande-Bretagne. Il n’est donc pas étonnant de voir le 7ème Art et la Télévision s’intéresser à cette jeune souveraine au charisme très cinégenique.
Le 2 juin 1953, son couronnement sous la voûte de la cathédrale de Westminster fit déjà l’objet d’une retransmission télévisée par la BBC et du tournage d’un documentaire en couleur signé Mickael Waldman et commenté par le très shakespearien Laurence Olivier : Le couronnement de la reine Elizabeth II (Coronation of Queen Elizabeth II). Le voyage de la reine en Australie en 1954 fut d’ailleurs à l’origine du premier film australien en couleurs : The Queen in Australia de Stanley Hawes.
Tout au long de son règne, elle ne cessera ainsi d’être l’objet de l’attention des actualités, du cinéma documentaire et des programmes télévisés. Avec le temps, la reine a fini par se transformer en véritable personnage de Cinéma et son histoire a nourri de nombreuses œuvres dans lesquelles elle gratifie les protagonistes de sa rassurante et royale présence. De film en film, le grand écran va mettre en scène les grands épisodes de sa vie.
Dans Le discours d’un roi (The King’s speech) de Tom Hooper (2011), la jeune Élizabeth alors âgée d’une dizaine d’années et incarnée par Freya Wilson, est confrontée à l’abdication de l’éphémère Édouard VII et au couronnement de son père, le roi George VI (interprété par Colin Firth), dans un Royaume-Uni au bord de la Guerre. Quatre ans plus tard, dans Escapade princière (A royal night out) de Julian Jarrold sorti en 2015, la reine (sous les traits de Sarah Gadon) a bien grandi. Le film raconte avec tendresse comment la future souveraine s’est enfuie de Buckingham avec sa sœur, la princesse Margaret, pour profiter de la liesse des rues du Londres en pleine célébration de la victoire du 8 mai 1945, dissimulée sous son uniforme de mécanicienne de l’Armée britannique. Episode méconnu et pourtant vrai de sa jeunesse, cette « escapade » apparait comme une expérience initiatique et intime qui rend toute son humanité à ce personnage jugé traditionnellement si hiératique et insensible.
Sarah Gadon dans "ESCAPADE PRINCIERE" de Julian Jarrold (2015)
Si les 30 premières années de son règne ne semblent avoir inspiré que des passages parodiques, de Y-a-t il un flic pour sauver la reine ? (The Naked Gun: From the Files of Police Squad!) de David Zucker (1988) à la saga James Bond jusqu’aux films d’animation comme Les Minions de Pierre Coffin (2015) et leur plongée dans le « swinging London » des années 60, Royal Corgi de Vincent Kosteloot (2019) ou les Simpsons, c’est la grande crise que traverse la monarchie à la suite de la mort de Diana qui va relancer l’engouement des créateurs pour cette figure incontournable de la civilisation britannique.
Helen Mirren dans "THE QUEEN" de Stephen FREARS (2006)
En 2006, dans The Queen de Stephen Frears, l’inoubliable Helen Mirren campe une souveraine empêtrée dans le scandale causé par son absence de réaction devant la mort de la princesse de Galles en 1997. Mêlant psycho-drame intimiste et crise politico-sociale, le réalisateur brosse le portrait d’une reine complexe, tiraillée entre ses affects et ses fonctions monarchiques. Le film fait également entrer le spectateur dans les arcanes du pouvoir et de la délicate cohabitation entre le palais royal et Downing Street. Fait de huis-clos d’une grande intensité et servi par un casting impeccable, The Queen demeure sans doute la meilleure représentation d’Élisabeth II sur grand écran et valut à Helen Mirren de recevoir l’Oscar et le BAFTA de la Meilleur actrice en 2007.
Dernier film en date à rendre hommage à ce personnage historique incontournable, le documentaire Elizabeth II, regard(s) singulier(s) (Elizabeth, a portrait in parts) de Roger Michell, sorti quelques mois avant son décès et qui décortique, un par un et par le biais d’un inventif montage à la Eisenstein, les aspects les plus intimes et sa légende médiatique. Enchaînant les séquences thématiques, le photographe devenu cinéaste interroge avec décalage (et non sans une pointe d’humour) les images d’archives cinématographiques, télévisuelles et radiophoniques de cette mise en scène du pouvoir. Cette approche iconoclaste est sans doute l’un des plus intelligents et artistiques portraits de la souveraine.
Affiche britannique d' "ELIZABETH, REGARD(S) SINGULIER(S)" de Roger Michell (2022)
Mais, si le Cinéma a su célébrer la popularité et les aspects plus sombres d’Elizabeth, c’est la Télévision, avec en particulier la chaîne payante Netflix, qui a achevé d’immortaliser ce mythe contemporain avec la série The Crown. Durant 6 saisons articulées autour des grands moments de la vie de la reine, cet ambitieux récit de l’Histoire de la monarchie britannique, créé par Peter Morgan et inspirée de sa pièce The Audience, est une passionnante peinture des rapports entre les membres de la famille royale et leur entourage avec, en toile de fond, les différents contextes géopolitiques de l’époque. Avec The Crown, série diffusée de son vivant et interprétée successivement par Claire Foy, Olivia Colman et Imelda Staunton, la souveraine bascule définitivement dans la légende. Et ce n’est qu’un début car le petit et le grand écran n’ont pas fini de voir dans l’incroyable destin d’Elizabeth II une inépuisable source d’inspiration !