Comme beaucoup de comédiens allemands ou autrichiens ayant embrassé une carrière internationale, Hardy Kruger avait fini par incarner l’archétype germanique, des comédies d’Outre-Rhin aux superproductions hollywoodiennes en passant par la plume de Michel Audiard. Acteur généreusement cosmopolite, il fut l’un des plus grands seconds rôles du 7ème Art international, inoubliable dans Hatari d’Howard Hawks (1961), Les dimanches de Ville-d’Avray de Serge Bourguignon (1961) ou Le vol du Phoenix de Robert Aldrich (1965).
Produit de l’instrumentalisation des enfants « aryens » par le IIIème Reich, Hardy Kruger fit ses premiers pas devant la caméra dans des films de propagande nazis comme Les aiglons d’Alfred Weidenman (1944) avant d’être contraint à intégrer les divisions S.S. destinées à défendre les derniers bastions du régime moribond. Lorsqu’il revient dans le monde du Cinéma, il commence par devenir une star de la comédie populaire et du polar ouest-allemands.
Mais le Cinéma historique va vite exploiter son physique blond et minéral. Si on le croise en soldat prussien de 1870 dans Sans tambour ni trompette d’Helmut Kautner (1959) ou en fantassin du XVIIIème siècle dans Barry Lindon de Stanley Kubrick (1974), ce sont surtout ses rôles d’officiers allemands de la Seconde guerre mondiale qui vont le rendre célèbre et lui ouvrir les portes des plateaux de tournage du monde entier. Il campe ainsi bon nombre de gradés de la Wehrmacht dans des grandes productions internationales comme Un taxi pour Tobrouk de Denys de la Patellière (l’inoubliable Capitaine Ludwig Von Stegel capturé par le commando français), dans La Bataille de la Neretva de Veljko Bulajić (1968) où il affronte les hommes de Tito, dans Le secret de Santa Vittoria de Staney Kramer (1969) et, bien sûr, dans Un pont trop loin de Richard Attenborough (1977). Mais on le retrouve également en transfuge de l’armée allemande passé à la Résistance française dans Le renard de Paris de Paul May (1957), en prisonnier évadé dans L’évadé du camp n°1 de Roy Ward Baker (1957) et en infirmier révolté par la sauvagerie de ses propres camarades dans Le franciscain de Bourges de Claude Autant-Lara (1968).
Avec le temps et sous l’objectif de grands réalisateurs, le berlinois devenu citoyen du monde a fini par devenir la personnification d’une Allemagne repentante et résiliente enclin à démontrer qu’elle a aussi pu faire acte de résistance au totalitarisme Nazi.