Octobre
(OKTIABR)
1928 – U.R.S.S.
Fiche technique
Réalisé par Sergueï M. Eisenstein
Scénario de Sergueï Eisenstein et Grigori Aleksandrov
d’après Dix jours qui ébranlèrent le monde de John Silas Reed
Musique de Dmitri Shostakhovitch (à l’occasion de la sonorisation de 1967)
Avec Vladimir Popov, Vasili Nikandrov, Layaschenko, Chibisov
Durée : 1h42
Synospis :
Saint-Pétersbourg, février 1917. Affamé et dévasté par les lourdes pertes humaines infligées par la Grande guerre, le peuple russe se révolte et renverse le Tsar Nicolas II. Un gouvernement provisoire, dirigé par l’autoritaire Alexandr Kerenski et les représentants de l’élite bourgeoise, dirige le pays d’une main de fer. A la fin du mois d’octobre, suite à une série de manifestations réprimées dans le sang, Vladimir Oulianov dit “Lénine”, leader du Parti bolchévique, décide alors de lancer l’insurrection populaire. Après avoir avoir été rejoints par différents régiments de l’armée, les révolutionnaires se lancent à l’assaut du Palais d’Hiver, en chassent les membres du gouvernement provisoire et posent les bases du futur état soviétique fondé sur la dictature du Prolétariat.
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Contexte historique
Empêtré dans les sanglantes tranchées de la Grande guerre et rongé par les inégalités sociales et politiques, l’Empire russe vacille en 1917. En février, le régime tsariste est renversé suite à l’insurrection de Pétrograd et Nicolas II abdique un mois plus tard. Un gouvernement provisoire, majoritairement composé d’anciens responsables tsaristes et de libéraux progressistes, se met en place mais doit vite affronter l’hostilité des soviets, émanations des volontés populaires et ouvrières dans lesquels mencheviks (socialistes) et bolcheviks (communistes) sont très influents. Ces derniers considèrent que la révolution de février n’a pas tenu ses promesses et a été trahie par le gouvernement provisoire. A la tête du parti bolchevik, Lénine et Trostky décident de lancer, le 24 octobre, l’insurrection qui aboutira à la prise du Palais d’Hiver de Saint-Pétersbourg et à la prise du pouvoir par les communistes.
Contexte de production
Commandé à Sergueï Eisenstein par le Comité exécutif central du Parti Communiste à l’occasion de la célébration du jubilé de 1927 de la fondation de l’U.R.S.S., Octobre est l’une des premières évocations cinématographiques de la Révolution russe. Dotée de moyens considérables, tournée sur les lieux mêmes des évènements et bénéficiant de la participation comme figurants de 11 000 ouvriers et soldats de Leningrad (actuellement St Saint-Pétersbourg), cette ambitieuse reconstitution remonte aux origines de ces “10 jours qui ébranlèrent le monde” en disséquant les mécanismes politiques et sociaux qui conduisirent à la prise du pouvoir par les Bolchéviks huit mois seulement après la révolution “bourgeoise” de février 1917 qui vit la chute du régime tsariste. Le film reprend l’idée selon laquelle l’effort révolutionnaire a été confisqué au peuple par des élites socialistes réformatrices mais corrompues (les “Mencheviks”) incapables de mettre fin à la guerre avec l’Allemagne ni de nourrir une population russe en proie au désarroi et aux privations. Démonstration de la lutte des classes, Octobre est construit comme un enchaînement logique dont la fameuse et spectaculaire prise du Palais d’Hiver (dans lequel s’est barricadé le Gouvernement provisoire) est le point d’orgue.
Anecdotes
Chef d’œuvre du “Réalisme socialiste”, esthétique qu’Eisenstein contribua lui-même à théoriser, cette superproduction soviétique oscille entre le docu-fiction pédagogique et la propagande politique. Le réalisateur du Cuirassé Potemkine (1925) utilise la force symbolique et l’art du montage pour composer un grand livre d’images propre à éduquer les foules et animé par un discours linéaire manichéen destiné à replacer le parti bolchévik au cœur de la mécanique historique, le Communisme devenant le moteur de l’Histoire. A l’autoritarisme crépusculaire et ambitieux d’Alexandr Kerenski, chef du Gouvernement provisoire assoiffé de pouvoir et qui ne rêve que de monter sur le trône déserté par Nicolas II, est opposée la figure charismatique et messianique de Lénine généralement filmé en contre-plongée et dans le vent. Eisenstein contribue ainsi à pérenniser la légende héroïque de ce leader politique incomparable au bras tendu vers l’avenir naissant de la dictature du Prolétariat. Monument du 7ème Art, Octobre servi d’archétype et de modèle pour les nombreux représentations cinématographiques de la Révolution russe qui suivirent, en particulier, Lénine en octobre (Mikhail Romm, 1937).