Lettres d’Iwo Jima
(LETTERS FROM IWO JIMA)
2006 – Etats-Unis
Fiche technique
Réalisé par Clint Eastwood
Scénario d’Iris Yamashita et Paul Haggis,
d’après le livre “Picture Letters from Commander in Chief” de Tadamichi Kuribayashi
Musique de Kyle Eastwood
Avec Ken Watanabe, Kazunari Ninomiya, Tsuyoshi Ihara, Ryo Kase
Durée : 2h21
Synospis :
Pacifique, 1944. Chargé par l’État-major impérial de commander la défense de l’île d’Iwo Jima menacée par l’avancée de la flotte américaine, le général Tadamichi Kuribayashi découvre des troupes démotivées et désorganisées dirigées par des officiers obtus et retords. Conscient que l’armée nippone ne cesse d’accumuler les défaites, il évalue les potentiels défensifs de cet éperon rocheux en plein Pacifique et décide de faire déplacer les travaux de fortification des plages sur les reliefs. Mais lorsque Tokyo exige le rapatriement au Japon des derniers avions basés sur l’île, il comprend que le combat est perdu d’avance et que la bataille sera, pour lui et ses hommes, une lutte à mort désespérée avec l’ennemi.
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Contexte historique
Au début de l’année 1945, la Guerre du Pacifique est loin d’être gagnée par les troupes alliées. Les japonais résistent farouchement (et souvent jusqu’à la mort) dans les centaines de petites îles tandis que des pilotes kamikazes s’écrasent sur la flotte américaine. Après la pénible reconquête des Philippines, de Bornéo et de la Birmanie, l’U.S. Navy se rapproche de l’archipel nippon. A mi-chemin entre les Mariannes et le Japon, Iwo Jima est un îlot volcanique défendu par une garnison de 21 000 soldats et représente une cible de premier choix pour y établir une base aérienne. A partir du 19 février s’engage une violente bataille qui durera près d’un mois et dont la victoire sera décisive pour l’issue du conflit.
Contexte de production
Lettres d’Iwo Jima est le deuxième opus d’un diptyque de Clint Eastwood consacré à l’une des plus sanglantes batailles de la Seconde guerre mondiale. Le premier film, Mémoire de nos pères, explorait cet évènement majeur de la Guerre du Pacifique du côté des forces américaines en s’intéressant en particulier à l’histoire de cette fameuse photographie des 6 marines qui hissèrent le drapeau des États-unis au sommet du mont Suribachi. Avec Lettres d’Iwo Jima, le réalisteur s’intéresse cette fois-ci, avec un immense respect et une volonté manifeste d’objectivité, au point de vue japonais. Il décrit admirablement le quotidien banal des soldats qui, maltraités par leurs officiers fanatiques et jusqu’au-boutistes, s’exténuent à construire des défenses illusoires qui ne serviront à rien devant la puissance de feu des troupes américaines, insistant sur leur rapport ambigu au sacrifice et à l’idée d’une défaite impossible. Lorsque l’on compare cette représentation des souffrances endurées par ces combattants victimes de la propagande d’un système totalitaire mortifère, on mesure le chemin parcouru depuis l’âge d’or du Cinéma hollywoodien d’Après-guerre et ses films patriotiques comme Iwo Jima (Sands of Iwo Jima, 1949) avec un John Wayne triomphant des méchants “japs”. En cela, ce morceau de bravoure cinématographique est emblématique du Film de Guerre des années 2000 qui, à la suite d’Il faut sauver le soldat Ryan entend présenter ces terribles évènements de façon plus réaliste, moins manichéenne et sous un angle nouveau.
Mais, au-delà des horreurs de la guerre, c’est à une passionnante réflexion sur l’absurdité et surtout les répercussions traumatiques que les combats et leurs préparatifs imposent aux soldats à laquelle nous invite Clint Eastwood. Tel le lieutenant Giovanni Drogo du Désert des Tartares, le général Kuribayashi attend en vain, avec obéissance, résignation et philosopihe, un ennemi invisible qui ne vient jamais. Ce sentiment d’abandon et de désespoir est d’ailleurs accru par la magnifique photographie poétique et délavée de Tom Stern autant que par la musique mélancolique de Kyle Eastwood.
Anecdotes
Cette description de la situation désespérée dans laquelle se trouve cet officier japonais et devant laquelle il doit rester digne fait écho à la place centrale qu’occupe dans l’œuvre de Clint Eastwood la question du comportement de l’individu face à la guerre et à la hiérarchie militaire. De ses rôles dans Quand les aigles attaquent ou De l’or pour les braves jusqu’au Maître de guerre ou American sniper, la filmographie de ce vétéran du Cinéma est traversée dans son ensemble par une interrogation sur la notion de virilité et d’héroïsme, et plus généralement sur les figures de la masculinité dans la société et l’Histoire.